Le paradoxe du design d’expérience utilisateur.
Technique et expérience utilisateur
Quand j’ai commencé à étudier la géomatique, j’étais fascinée par toutes les applications possibles de ces outils. Elles étaient multiples et variées, innovantes, rassurantes, quelques fois intrusive et terriblement éthiques.
J’aimais voir ces applications, en comprendre le fonctionnement sans pour autant avoir réellement envie de réaliser les prouesses techniques. Le concept et l’algorithmie me suffisaient.
J’ai décidé de poursuivre vers la conduite du changement, persuadée que ces outils numériques constituaient bien plus qu’une suite de prouesse digitale. Certes, ce qui pouvait être fait était incroyable mais cet outil s’intègre dans un environnement complexe. Des gens, des habitudes, des routines et des workflow, une entreprise et des valeurs. D’autant plus dans une posture B2B.
C’est avec cette volonté que j’ai voulu apporter plus d’humain dans ces outils pour associer innovation et utilisation, révolution et mise en œuvre réelle.
J’ai alors approché l’UX design, qui sur le papier colle plutôt bien à mes attentes. Des méthodes et des outils inspirants. Certains mettant en avant des véritables concepts scientifiques, d’autres plus expérimentaux, mais de manière surprenante, efficaces.
Ateliers, idéation, génération spontanée, offrant des rapports plus honnêtes et agréables que le travail de définition traditionnel. Cependant cette émulation autour d’un produit peut être plus complexe.
Enjeux de pouvoir, contraintes financières, techniques et temporelle. Un client reste une entreprise avec des contraintes et un cahier des charges à remplir.
L’UX sur le terrain
Le décideur payeur n’est pas toujours le contact privilégié. L’UX ne règle pas les problèmes d’égo et les aspirations personnelles. Bien que son utilisation aide à optimiser un produit, recentrer sur les besoins, éviter quelques fois de nombreux d’aller-retour en phase développement, il crée aussi des frustrations. Ces états de déception sont traduits par un goût de non fini évoqués sous la forme de « ça serait vraiment l’idéal mais on n’a pas le budget pour ça ».
À l’image de la méthodo SCRUM, il est toujours compliqué de savoir où placer la limite. A chaque sprint des nouvelles fonctionnalités sont remodelées, définies, des nouveaux besoins sont mis au jour… Le client à besoin d’une roadmap claire et définie mais le projet évolue au cours de l’eau. Quel est le bon business modèle ? Le devis au préalable quitte à couper la créativité et certaines évolutions, ou un coût par sprint qui ne fait que renforcer cet état de non fini ?
Comment allier le caractère innovant et effervescent à réalité du terrain ?
L’UX est un élément qui encore aujourd’hui nécessite d’être argumenté auprès d’un client. La pratique de la discipline variant d’un designer UX à un autre, nous avons à disposition des méthodes, libre à chacun d’adapter ces boîtes à outil à notre guise. Ce débat étant d’autant plus complexe que l’efficacité du design d’expérience ne s’exprime pas de manière immédiate par un joli compte rond en euros. Evaluer les impacts de l’UX dans une dimension financière pour un projet reste une entreprise complexe à mettre en évidence.
L’argumentaire proposé pour défendre l’UX reste superficiel et de l’ordre du marketing. Les clients déforment leur utilisateur en leur cible, ce qui peut être vrai dans le B2C ne l’est pas spécifiquement pour le B2B. L’argumentaire scientifique n’étant pas tellement fourni pour convaincre des gestionnaires peu sensible à la dimension créative et effervescente et attendant de voir sa balance économique.
Qu’en est-il de mon constat ? De ma volonté d’ancrer les révolutions numériques dans leur environnement ? De considérer enfin les changements qui vont être réalisés dans une organisation par la mise en œuvre d’outils numériques.
Comment cette solution va-t-elle transformer le quotidien des gens qui l’utilise ?
De la prise en compte du besoin utilisateur aux contraintes de son environnement
L’utilisation de l’UX pour répondre au besoin est une première étape dans ce cheminement. Elle reste cependant tournée vers le produit en lui-même, vers ces limites invisibles qui entourent le strict cadre du projet.
De plus, pour les futurs utilisateurs, c’est tout son écosystème qui pourrait changer radicalement. L’innovation, lorsque l’on n’est pas à l’initiative du projet est souvent traduite à mauvais titre par « suppression de poste, tâches inutiles ou sans valeurs ajoutées »
Que dire à l’acteur qui réalise ces tâches ? Le vocabulaire doit être utilisé avec tact, car le discours marketing n’est pas toujours celui à vanter auprès des utilisateurs.
Comment impliquer ces personnes dans la création d’un outil censé réaliser leur travail ? Avec toutes les méthodologies de design, de la sympathie et de l’empathie que vous pourrez y mettre vous ne pourrez pas dépasser ces problématiques managériales. L’outil peut être un prétexte à une conduite du changement, et ce n’est pas à l’UX designer de chercher à remplir cette mission. Cet état ne compliquant que le travail de création.
Vous me direz « à quoi bon ? » À quoi bon interroger une multitude d’acteurs, réaliser avec eux des ateliers surprenants, qui pour certain leur font penser à des ateliers dignes de centre aéré, si tout cela n’a pas l’impact escompté ?
Voilà mon paradoxe de l’UX design. Par son approche centrée projet, elle ne peut accéder à des problématiques de fond, relevant du socle stratégique des organisations. Je me retrouve face au même constat que j’avais pu faire auprès de la géomatique. L’UX ne répond que partiellement à la démarche centrée utilisateur.
Elle peut améliorer de manière notable une interface et son adhésion, mais il est difficile pour elle de prendre en compte l’environnement complexe qui gravite autour.
Est-ce lié à la pratique de l’UX actuelle ? Cette discipline à argumenter, souvent partiellement comprise par les clients. « L’UX c’est une manière fun de faire des maquettes », « Je connais un graphiste qui fait de l’UX ». Est-ce cadre qui est imposé à la discipline ? Est-ce la pratique en soi qui se limite au stricte contour du projet ? Est-ce directement lié aux équipes de directions qui refusent de voir les changement pouvant être opéré dans leur organisation.
Nous parlons aujourd’hui d’une multitude d’UX, de CX, d’EX et j’en passe. Le design d’expérience fait doucement ces preuves, mais il a besoin d’évoluer. Je ressens personnellement le besoin de voir « plus haut » avec la prise de hauteur nécessaire des designers et de déconstruire les concepts pour reconstruire les idées. De considérer cette dimension managériale des organisations dans ma pratique du design. D’expérimenter le design management dans mon quotidien, auprès de mon projet de création d’entreprise et de travailler sur cette dimension avec mes clients.